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Un droit réel pour une réalité virtuelle

Réalité virtuelle

 La réalité augmentée (ou réalité virtuelle) désigne les méthodes qui permettent de superposer des objets virtuels et des informations sur le monde « réel ».  Que ce soit à l’aide de tablettes, de smartphones, ou même de casques, des caméras capturent l’environnement existant en temps réel et y ajoutent des informations comme du texte, des graphiques ou des images, sous forme virtuelle. Si aujourd’hui la réalité augmentée suscite un certain engouement, il ne s’agit pourtant pas d’une idée nouvelle. En effet dès 1955, le réalisateur Morton Heilig, considéré comme un pionner de la RA, évoquait dans un article que dans le futur le spectateur entrerait dans une borne, qu’il nomma pour l’occasion “SENSORAMA”, et qui grâce à une technologie révolutionnaire permettrait de diffuser un souffle d’air et des arômes en direction de l’utilisateur. Aujourd’hui la RA connaît un regain d’énergie notamment grâce à des casques et aux smartphones. Si les spécialistes prédisent que la réalité virtuelle représentera un marché de 30 milliards de dollars d’ici 2020, on est en droit de s’interroger sur les conséquences juridiques qui découlent de son utilisation. 

 

Les applications diverses de la réalité augmentée

 La réalité augmentée peut servir à diverses applications ludiques ou professionnelles. Ainsi, grâce à la RA on peut redonner vie à des monuments endommagés, en dirigeant l’écran de son smartphone ou de sa tablette vers un monument pour le voir comme il était à l’époque ; ou bien encore, appliquer la bonne teinte de fond de teint, de blush ou de rouge à lèvres avant même de se maquiller est désormais possible grâce à un miroir en réalité augmentée 3D.

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Dans le domaine médical, les médecins peuvent réaliser des opérations virtuellement afin de mieux se former aux véritables interventions médicales. Prochainement, les pompiers seront équipés d’un masque high-tech leur permettant de voir à travers la fumée et ainsi de se déplacer plus facilement à travers une salle en feu. Également, des capteurs seront ajoutés aux voitures pour prévenir des dangers qui se trouvent dans les angles morts des véhicules, étendre la visibilité, et procurer une meilleure orientation en milieu citadin. Et certaines villes ont déjà mis en place des dispositifs permettant aux professionnels du bâtiment de s’immerger dans un chantier virtuel et de manipuler matériaux et outils. Mais si la liste des applications possibles avec la RA n’est pas exhaustive, elle pose cependant un certain nombre de questions juridiques.

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Les problématiques juridiques posées par la réalité augmentée

Si la réalité augmentée est tout simplement l’incrustation d’informations virtuelles dans des images bien réelles, elle peut néanmoins être la source de problèmes juridiques divers, et bien réels. Ainsi, qu’en est-il de la contrefaçon du design des casques de RA ? En droit français, le fait de copier un design existant est parfaitement illégal ! En effet, quand une société adopte un design pour une machine, elle le dépose en tant que “dessin et modèle” (article L.511-1 du Code de la propriété intellectuelle), c’est-à-dire que l’agencement de la forme, la couleur, l’emplacement des éléments comme les boutons, etc., sont protégés et ne peuvent être recopiés librement. L’article L.521-4 du CPI punit ainsi la contrefaçon d’un dessin ou modèle de “trois ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende”. Lorsque le délit a été commis en bande organisée, les peines sont portées à “cinq ans d’emprisonnement et 500 000 euros d’amende”. De plus, vendre une machine qui ressemble étrangement à une autre peut être considéré comme un acte de parasitisme économique ou de concurrence déloyale, qui s’analyse selon la jurisprudence constante comme “l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire”. Et la société victime peut réclamer au “parasite” de très lourds dommages et intérêts.

Les logiciels utilisés pour jouer à des jeux vidéos en RA, ou ceux qui permettent de donner un coup de jeune à des monuments en ruine, sont également protégés par le droit d’auteur. En effet la loi du 3 mars 1985 a consacré le logiciel comme une œuvre de l’esprit. Cependant les juges avaient conditionné la protection par le droit d’auteur du logiciel à son originalité en reflétant “l’empreinte de la personnalité de son auteur”. Si cette notion d’originalité du logiciel semble quelque peu abstraite, un arrêt de la Cour d’appel, en date du 24 mars 2015 ((Affaire Markelys / Beezik)), précise que c’est le code source du logiciel qui est protégeable, c’est-à-dire l’ensemble de fichiers informatiques contenant les instructions devant être exécutées par le micro-processeur.

Qu’elle utilise un casque ou un smartphone, la RA se manifeste par des objets connectés qui ne sont pas à l’abri de cyber-attaques. Les données transitant sur Internet sont donc susceptibles d’être piratées (identifiants, mots de passe, comptes d’accès à des jeux, etc.). Toutes ces données ne sont pas aussi sécurisées que sur un ordinateur équipé d’antivirus. Mais les données de RA peuvent-elles véritablement intéresser un hacker ?  En ce qui concerne l’ensemble des données personnelles, certainement. En revanche, les données qui se rapportent à l’usage de la RA pour l’essayage de vêtements via un miroir virtuel, ou pour la reconstitution virtuelle de dinosaures dans un zoo, n’a que peu d’intérêt au final. Malgré tout, il n’y a pas de vide juridique en France, puisque la loi Godfrain du 5 janvier 1988 constitue le socle du droit pénal anti-piratage informatique. Il est également à noter que la Cour de cassation a récemment consacré le vol de fichier informatique ((CA de Paris, 5 février 2014, Bluetouff)). Réalité virtuelle ou non, la France a une législation susceptible de sanctionner les éventuels piratages.

L’avenir seul nous dira si la législation française est suffisante pour anticiper ou résoudre les dommages liés à la réalité augmentée.

 LW

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2 réflexions sur « Un droit réel pour une réalité virtuelle »

  1. Je crois bien que pour l’heure, on connaît tous le droit à l’image d’une personne. On ne peut pas photographier une personne sans son consentement et encore moins le divulguer. On risque gros (emprisonnement plus amende) si on l’enfreint. Mais je ne connais pas vraiment ce qui en est des propriétés d’autrui.

  2. Je crois que dans quelques années, on va acheter un billet pour regarder tout simplement des avatars sur scène. Comme ce qui s’est produit la dernière fois avec l’avatar de Kenji Girac durant le final de The Voice.

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