Mashup : œuvre ou parodie ? – LexWeb

Mashup : œuvre ou parodie ?

Mashup

 Intégré à la liste de termes du vocabulaire de la culture et de la communication du 22 juillet 2010, le terme “mashup” signifie littéralement “collage” ou “mixage musical”. Par extension, le mashup désigne une application Web qui combine du contenu en provenance de différents sites. Le plus célèbre des mashups est sans nul doute Google Maps.  Pourtant, c’est surtout dans le domaine de l’industrie musicale que ce genre a fleuri. Mais quelles sont les limites juridiques entourant la volonté de rendre hommage et l’intention humoristique ?

 

Le mashup, une œuvre

Le droit d’auteur protège les œuvres de l’esprit qui sont le fruit d’une activité créative et non de la sérendipité (article L.111-1 alinéa 1 du Code de la propriété intellectuelle), dès lors qu’elles présentent un caractère original (article L.112-4 du Code de la propriété intellectuelle). Il peut s’agir de tout type d’œuvre : photo, film, musique, site Internet, roman, BD, etc.

Mais à l’heure du Web 2.0, les rapports entre l’œuvre et son utilisateur ont évolué. De consommateur à acteur, il n’a fallu qu’un pas pour que l’utilisateur transforme l’œuvre originale à sa convenance. Alors, qu’en est-il des œuvres issues de la combinaison de plusieurs sources d’information, comme des œuvres remixées ou dont les images et le son ont été superposés ou assemblés avec d’autres créations ? Il faut se tourner vers la notion d’œuvre plurale, présentée à l’article L.113-2 du Code de propriété intellectuelle, pour tenter de trouver un régime juridique adéquat à ces oeuvres dérivées. Le droit d’auteur différencie les œuvres collectives et de collaboration et les œuvres composites.

Cependant, les œuvres collectives apparaissent comme exceptionnelles. En effet, il s’agit de la fusion des apports de plusieurs auteurs qui ne se sont pas concertés, généralement réalisée par un véritable professionnel qui édite l’œuvre collective et la publie sous son nom, dans le cadre d’une nouvelle exploitation des œuvres qui la constituent. Elle ne concerne qu’un nombre limité de catégories d’œuvres : les dictionnaires et encyclopédies, les ouvrages scientifiques collectifs et les journaux et périodiques. Par ailleurs, les œuvres de collaboration se différencient par le fait que “les différents auteurs ont réalisé leurs créations respectives sous l’empire d’une inspiration commune et en se concertant” ((Françon, Cours, P. 192)). Dans les deux cas, on est donc bien loin de la notion de mashup 2.0, qui concerne essentiellement les vidéos postées sans autorisation préalable des ayants droit sur les sites de partage comme YouTube et DailyMotion.

C’est donc la notion d’œuvre composite qui semble convenir le mieux à ces nouveaux usages dans la mesure où elle se distingue des œuvres collectives et de collaboration par le fait que l’auteur d’une œuvre composite n’a pas travaillé avec les auteurs des œuvres originales, et qu’il a pris seul l’initiative de la création, effectuée de façon indépendante. En effet, les évolutions technologiques ont permis aux utilisateurs d’intervenir directement sur les œuvres originales, avec un minimum d’effort et de temps. On peut citer en exemple certains phénomènes repris et déclinés en masse sur la toile, comme le Gangnam Style du chanteur sud-coréen Psy, ou le Harlem Shake. Dernièrement ce sont les tubes “Get Lucky” des Daft Punk et “Happy” de Pharrell Williams qui sont en proie à de nombreux mashups.

Le mashup, une parodie

Il existe diverses exceptions au monopole du droit d’auteur, visées par le Code de la propriété intellectuelle. Il s’agit des exceptions pour courtes citations, ou pour information par voie de presse, mais également des exceptions en faveur des handicapés ou pour l’enseignement et la recherche.

Par ailleurs, l’article L.122-5 alinéa 4 du Code de la propriété intellectuelle stipule que l’auteur ne peut interdire la parodie, le pastiche et la caricature. L’exception de parodie s’applique à toutes formes d’œuvres, sans distinction de genre. Mais encore faut-il que la parodie ait l’intention d’amuser sans nuire. En effet, si la parodie doit être suffisamment poussée pour être considérée comme telle, il est nécessaire qu’elle soit le fruit d’un travail de travestissement ou de subversion et donc de distanciation par rapport à l’œuvre parodiée, de telle sorte que le public ne puisse se méprendre sur la portée du propos et sur l’auteur de la parodie.

Si la première intention du “mashuper” est de rendre hommage à un ou plusieurs artistes, certains n’hésitent pas à poster de véritables vidéos comiques (comme par exemple un mashup du chanteur Enrico Macias qui chante le titre “highway to hell” du groupe de hard rock AC/DC, ou encore une séquence du film la guerre des étoiles dans laquelle Dark Vador s’exprime avec la voix de Homer Simpson, etc).

Ces pratiques mettent en cause le droit d’auteur et nécessitent en principe des autorisations. C’est pourquoi un tube de Janet Jackson a été jugé comme contrefaisant, car il était fondé sur un sample (échantillon) de l’œuvre d’Erik Satie sans autorisation des titulaires du droit d’auteur ((CA de Paris, pôle 5, 2e ch., 21 juin 2011, Sté Salabert et a c/ EMI)). Alors que les mashupers utilisent plus qu’un sample pour réaliser leurs œuvres dérivées, la question se pose de savoir s’ils devraient être limités par le droit d’auteur ?

Il semblerait que l’Union européenne ((Commission européenne : recommandation du 18 octobre 2005 et livre vert du 16 juillet 2008 consacré au “droit d’auteur dans l’économie de la connaissance”)) ainsi que le rapport Lescure sur la culture numérique, s’orientent vers la création d’une nouvelle exception pour le “contenu transformatif”, dans un cadre non commercial, voire sous certaines conditions dans un cadre commercial.

LW

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Une réflexion sur « Mashup : œuvre ou parodie ? »

  1. Votre article est très intéressant, et comme toujours, très instructif. Je ne connaissais pas du tout cette histoire de mixage de site comme pour le cas de Google Maps. Quoi qu’il en soit, j’ai été ravi de l’apprendre.

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