Cybersquatting et Typosquatting – LexWeb

Cybersquatting et Typosquatting

Cybersquatting et Typosquatting

Durant la deuxième moitié des années 1990 est apparue la pratique du Cybersquatting qui consiste à enregistrer volontairement un nom de domaine identique à une marque sur laquelle le déposant n’a aucun droit, afin de monnayer son transfert. Plus subtil, le Typosquatting, appelé encore « Grabbing », consiste à enregistrer un nom de domaine proche de celui d’une marque, tout en introduisant des erreurs de frappe. Le consommateur est alors redirigé vers le site du typosquatteur, qui par conséquent profite de la notoriété de la marque.

Les États-Unis ont pris rapidement conscience du problème et ont efficacement trouvé des solutions législatives (( L’ACPA (Anticybersquatting Consumer Protection Act) de 1999, condamne les personnes ayant enregistré un nom de domaine similaire ou identique à une marque, et le TDNA (Truth in Domain Names Act) de 2003, condamne les personnes ayant enregistré un nom de domaine similaire ou identique à une marque afin de nuire à sa notoriété.)) permettant de condamner lourdement Cybersquatteurs et Typosquatteurs (( Condamnation d’un Cybersquatteur à 33 millions dollars pour avoir enregistré 663 noms de domaines détournant l’activité de l’opérateur téléphonique Verizon.)). La France, quant à elle, n’a pas voté de loi spécifique pour lutter contre ces pratiques. Ce sont donc les juges qui, appliquant le droit existant, apprécient au cas par cas s’il y a atteinte à la marque ou non. Parallèlement, plusieurs procédures alternatives de règlement des conflits ont vu le jour.

Le règlement judiciaire des litiges entre un nom de domaine et une marque

1. L’action fondée sur la contrefaçon

Ce sont les juges bordelais qui furent les premiers à décider que l’enregistrement d’un nom de domaine pouvait constituer une contrefaçon d’une marque antérieure (( TGI de Bordeaux, ordonnance de référé, 22 juillet 1996 « affaire Atlantel ».)) .

L’action en contrefaçon laisse supposer que la marque ait été enregistrée à l’INPI (Institut National de la Propriété Intellectuelle). Dans le cas contraire, seule une action fondée sur l’article 1382 du Code civil sera envisageable.

Une des conditions essentielles pour caractériser une contrefaçon par reproduction ou imitation est l’appréciation du risque de confusion dans l’esprit du consommateur. Ainsi la Cour de justice de l’union européenne, dans ses arrêts Sabel, Canon et Lloyd ((CJUE, 11 novembre 1997 et CJUE, 22 juin 1999.)), énonce que l’appréciation d’un risque de confusion dans l’esprit du consommateur doit s’apprécier dans sa globalité. Les similitudes doivent être visuelles, phonétiques ou conceptuelles. Il en est ainsi de la marque « Lancôme » qui se transforme en « LanKom », ou « 2xmoinscher.com » qui se transforme en « 3xmoinscher.com » ((TGI Paris, 2 avril 2009, Trokers c/Web Vision.)).

Selon la chambre commerciale de la Cour de cassation dans la célèbre affaire « Locatour » de 2005 ((Cass. soc., 13 décembre 2005, SOFICAR c/ Le tourisme moderne.)), les juges doivent franchir une étape de plus dans l’exigence de l’appréciation de la contrefaçon. En effet, pour conclure à l’imitation ou la reproduction d’une marque par un nom de domaine, les juges doivent rechercher si le contenu du site litigieux est similaire aux produits et services désignés dans l’acte d’enregistrement de la marque.

2. L’action en concurrence déloyale et parasitisme

L’action en concurrence déloyale suppose un comportement contraire aux usages professionnels et un détournement de la clientèle d’un concurrent lui causant ainsi un préjudice. Cette action ne peut se cumuler avec une action en contrefaçon, en vertu de l’impossibilité d’indemniser deux fois le même préjudice ((Cass, 30 mai 1997.)).

La faute déloyale consiste le plus souvent à créer une confusion dans l’esprit de la clientèle, afin de profiter de la réputation d’un concurrent. Il s’agit le plus souvent de reproduire ou d’imiter un signe distinctif tel que la marque ou l’usage, la dénomination sociale, ou fond de commerce. Ainsi la jurisprudence considère qu’un nom de domaine s’assimile à une enseigne ((TGI de Paris, 28 avril 2005.)). C’est ainsi qu’a été reconnu comme comportement déloyal l’enregistrement du nom de domaine « porsche-specialiste.fr » sans consentement des titulaires de la marque « Porsche » ((Ca Paris, 8 septembre 2004, Sté Sport Autogalerie c/ Sté Porsche France)). Cependant les juges peuvent refuser de transférer les noms de domaines litigieux au profit de la victime concurrente si ce transfert risque d’accroître la confusion du consommateur (( Cass, 9 mars 2010)).

Le parasitisme désigne le comportement d’un individu qui tire profit, sans bourse délier, des investissements financiers ou humains ou de la réputation d’un tiers, que ce tiers soit ou non un de ses concurrents. Tout comme pour la concurrence déloyale, le cumul d’actions avec la contrefaçon est interdit. Les juges ont déclaré comme acte parasitaire l’enregistrement par une société spécialisée dans la pornographie des noms de domaines « Zebanque.com » et « Zebourse.com » imitant la marque de l’établissement bancaire « Zebank » ((CA Versailles, 22 novembre 2001, Zebank c/ Multimédia canadia LTD.)).

 Le règlement extrajudiciaire des litiges entre un nom de domaine et une marque

1. La procédure UDRP (Uniform Dispute Resolution Policy)

Mis en place en 1999 par l’ICANN ((Organisation de droit privé californien chargé d’attribuer des adresses IP publiques.)), la procédure UDRP a pour vocation de permettre au titulaire d’une marque de récupérer le nom de domaine correspondant lorsque ce dernier a été enregistré postérieurement, et en fraude de ses droits par un tiers. Si cette procédure, qui se déroule en ligne, a l’avantage d’être plus rapide et moins coûteuse qu’une procédure judiciaire, elle est cependant limitée au nom de domaine de premier niveau (“.com”, “.org”, “.net”, “.edu”, etc…).

2. La procédure Sireli (Système de résolution des litiges)

Contrairement à la procédure UDRP dont le but est régler les litiges internationaux, la procédure Sireli porte sur les extensions en “.fr”. Lancée par l’AFNIC ((Organe en charge de l’attribution des noms de domaines pour la zone de nom en “.fr”.)) le 21 novembre 2011, elle succède à la procédure PARL (Procédure alternative de règlement des litiges). Cette procédure étant dématérialisée, elle est plus rapide et moins coûteuse qu’une procédure judiciaire. Par ailleurs, son domaine d’action est plus large que le seul droit des marques et concerne également les droits de la personnalité.

Cependant cette procédure ne s’applique qu’aux noms de domaines enregistrés ou renouvelés postérieurement au 1er juillet 2011.

Au final, le Cybersquatting et le typosquatting sont en hausse de 4,5% dans le monde. En 2012, 2884 plaintes (dont 279 françaises) pour Cybersquatting présumé ont été déposées auprès du centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI (Organisation mondiale de la propriété intellectuelle), portant sur 5084 noms de domaines. Force est de constater que l’arsenal judiciaire et extra-judiciaire n’est pas assez efficace pour dissuader les pirates de noms de domaines.

 

LW

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2 réflexions sur « Cybersquatting et Typosquatting »

  1. Merci beaucoup pour l’article, c’est très instructif. Voilà ce qui en est pour les Américains, mais qu’en est-il chez nous ? De plus, en ce moment, on voit cette pratique gagner davantage du terrain.

  2. Si je comprends bien, il s’agit d’une procédure extrajudiciaire de règlement de litiges, applicable en cas de conflit entre une marque et un nom de domaine postérieur. C’est comme une métamorphose, merci pour cette explication.

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